Quel est le sort des travailleurs en cas de faillite ?

Quel est le sort des travailleurs en cas de faillite ?

La faillite d’une entreprise est source d’inquiétude pour les travailleurs, qui non seulement perdent leur emploi, mais par ailleurs, ignorent s’ils percevront des indemnités et si elles seront suffisantes pour leur permettre d’assurer leur subsistance pendant le temps nécessaire à la recherche d’un nouvel emploi.

Pour pallier ces incertitudes et difficultés, le législateur a pris des mesures visant à assurer l’information et l’indemnisation des travailleurs en cas de faillite de la société qui les emploie.

1. Obligation d’information préalable à la fermeture de l’entreprise[1]

    La faillite d’une entreprise peut être prononcée suite à un aveu de faillite déposé par ses dirigeants ou à une citation en faillite signifiée à l’initiative d’un créancier ou du Ministère Public.

    Lorsque l’entreprise dont la faillite est envisagée revêt la qualité d’employeur, exerce une activité industrielle ou commerciale[2] et occupait en moyenne au moins 20 travailleurs au cours des quatre trimestres précédant celui de la cessation définitive de son activité principale, elle est soumise à la loi du 26 juin 2002 relative aux fermetures d’entreprise, qui impose une obligation d’information préalable à la fermeture de l’entreprise, à destination des travailleurs.

    Ainsi, l’employeur qui envisage de faire aveu de faillite et, donc, la fermeture de son entreprise, est tenu d’en informer sans délai[3] :

    1. Ses travailleurs et, le cas échéant, le conseil d’entreprise ou, à défaut, la délégation syndicale ;
    2. Les autorités publiques (le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale ainsi que les Ministres régionaux de l’emploi et de l’économie)[4].

    2. Sort des contrats de travail après le prononcé de la faillite

    Une fois la faillite prononcée, les dirigeants de l’entreprise sont dessaisis de la gestion de celle-ci. C’est le curateur à la faillite, désigné par le Tribunal de l’entreprise, qui, dès le prononcé du jugement déclaratif de faillite, prend toutes les décisions qui concernent la gestion de la société et son patrimoine.

    En ce qui concerne les contrats en cours, dont les contrats de travail, la faillite en elle-même n’y met pas fin. Il revient au curateur, sans délai après sa désignation, de décider de la poursuite ou de la rupture de ces contrats.

    Dans la majorité des cas, le curateur arrête les activités de la société et rompt les contrats en cours. Dans cette hypothèse, il met fin aux contrats de travail qui lient la société à ses employés. Le curateur notifie alors aux travailleurs la rupture de leur contrat avec effet immédiat. C’est également le curateur qui remet aux travailleurs licenciés leur formulaire C4 et autres documents sociaux.

    Toutes les sommes dues par l’employeur, qu’elles trouvent leur origine dans la fermeture de l’entreprise (qui implique, à certaines conditions, le paiement d’une indemnité de fermeture[5] au travailleur), la rupture du contrat de travail (telles que l’indemnité compensatoire de préavis), ou une cause antérieure à la faillite (par exemple des arriérés de rémunération), doivent faire l’objet d’une déclaration de créance auprès du curateur, via la plateforme REGSOL.

    Le curateur procède ensuite à l’examen de la créance et il l’accepte, ou la réserve (ce qui signifie qu’il émet des réserves sur son acceptation et sollicite des renseignements complémentaires en vue de se positionner), ou encore la conteste.

    Une fois la créance du travailleur acceptée, pour ne pas que celui-ci se trouve contraint d’attendre l’issue de la procédure de faillite pour obtenir les sommes auxquelles il a droit, le travailleur peut introduire une demande d’intervention auprès du Fonds d’indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d’entreprises (dit « FFE »). Il s’agit d’un organisme public chargé de payer des indemnités aux travailleurs qui subissent la fermeture de leur entreprise. L’intervention du FFE est plafonnée[6] à 30.500€ par travailleur.

    Dans l’attente du paiement de son indemnité de préavis (plafonnée) et d’éventuelles autres sommes qui lui sont dues par le Fonds de fermeture, le travailleur peut solliciter le bénéfice d’allocations de chômage provisionnelles.

    3. Transfert des travailleurs à l’initiative du curateur dans le cadre d’une reprise d’actifs après faillite[7]

    Le curateur, dans le cadre de sa mission, peut céder tout ou partie de l’activité à un repreneur. C’est d’ailleurs, en général, une de ses principales préoccupations, notamment aux fins de sauvegarder l’emploi, dans toute la mesure raisonnablement possible.

    Des travailleurs peuvent alors être transférés à un nouvel employeur par le truchement de cette cession et bénéficier d’un régime de protection, à condition que la reprise intervienne dans un délai de deux mois à partir de la date de la faillite.

    Dans ce cas :

    1. Le nouvel employeur peut choisir les travailleurs qu’il souhaite reprendre ;
    2. Les conditions de travail des travailleurs repris, qu’elles soient le fruit du contrat de travail ou d’accords collectif, demeurent inchangées ;
    3. Les travailleurs repris conservent l’ancienneté acquise auprès de leur ancien employeur, les éventuelles périodes d’interruption d’activité liées à la survenance de la faillite étant assimilées à des périodes de travail pour le calcul de l’ancienneté.

    Que faut-il retenir ?

    La faillite d’une entreprise est une épreuve difficile, tant pour l’employeur qui s’y trouve confronté que pour les travailleurs. Elle n’est cependant pas (toujours) synonyme de chaos.

    En tant qu’employeur, il est crucial d’informer correctement les salariés et les autorités de la faillite envisagée. Une fois celle-ci prononcée, le curateur désigné par le tribunal prend le relai et assume les obligations liées au droit du travail.

    Quant aux travailleurs, en cas de faillite, leurs droits sont partiellement préservés, grâce à l’intervention du Fonds d’indemnisation (FFE), et leur emploi pourra être préservé dans l’hypothèse de la venue d’un repreneur qui poursuit les activités avec reprise de tout ou partie des travailleurs.


    [1] Loi du 26 juin 2002 relative aux fermetures d’entreprises.

    [2] Etant entendu que les titulaires de professions libérales sont assimilés à des entreprises exerçant de telles activités.

    [3] Articles 16 et 17 de la loi du 26 juin 2002 relative aux fermetures d’entreprises.

    [4] Ces modalités peuvent être aménagées par des conventions collectives de travail adoptées au sein des   commissions paritaires.

    [5] Article 18 de la loi du 26 juin 2002 relative aux fermetures d’entreprises.

    [6] Arrêté royal du 23 mars 2007 portant exécution de la loi du 26 juin 2002 relative aux fermetures des entreprises.

    [7] Convention collective de travail 32bis du 7 juin 1985 concernant le maintien des droits des travailleurs en cas de changement d’employeur du fait d’un transfert conventionnel d’entreprise et réglant les droits des travailleurs repris en cas de reprise de l’actif après faillite, chapitre III, articles 11 et suivants.

    Rédaction