Fiscalité des voitures de société en 2024 : un dérapage contrôlé
I. Introduction
La fin de l’année 2023 a été marquée par les tensions entre les partis de la majorité concernant la fiscalité de la mobilité.
La cause ? Une augmentation prévue de la pression fiscale (jusqu’à 30%) sur les avantages de toute nature (ATN) relatifs aux voitures de société à moteur thermique.
La raison de cette augmentation est quelque peu technique mais simple à comprendre dans son principe : chaque année, l’ATN est recalculé pour tenir compte de la quantité de CO2 émise par le véhicule thermique concerné par rapport à la moyenne des émissions des véhicules nouvellement immatriculés.
Or, un nombre plus important que prévu de véhicules électriques ont été immatriculés en 2023. La quantité totale de CO2 émise par le parc automobile belge a donc fortement diminué.
Mécaniquement, puisqu’il y a plus de voitures qui n’émettent pas de CO2 (les voitures électriques), celles qui en émettent (les voitures thermiques ou hybrides) émettent un pourcentage plus élevé de CO2 par rapport au parc automobile total.
Dit autrement : plus il y a d’immatriculation de véhicules électriques, plus les véhicules thermiques sont taxés.
Ce rapport entre les émissions de CO2 d’un véhicule thermique et les émissions du parc automobile est qualifié, dans la formule de calcul de l’ATN, de « taux d’émission de référence ».
II. Calcul de l’ATN sur les voitures de société en 2024
Les partis de la majorité se sont finalement accordés, fin janvier 2024, sur une nouvelle formule de calcul de cet ATN, qui devrait permettre de limiter leur augmentation entre 5% et 10%.
Comment ?
Grâce à une modification du « coefficient d’émission ».
Comment se calcule l’ATN ?
En ce qui concerne les voitures à moteur thermique (y compris les voitures hybrides), le calcul de l’ATN est le suivant :
« Valeur catalogue »[1]
X [5,5 + ((« émissions CO2 » – 65 (diesel) ou 78 (essence) X 0,1)][2] / 100
X 6/7[3]
X « coefficient d’âge du véhicule »[4].
Les deux chiffres soulignés correspondent au « coefficient d’émission » : le coefficient 65 est appliqué aux véhicules à moteur diesel (il était de 67 en 2023) et le coefficient de 78 est appliqué aux véhicules à moteur essence (il était de 82 en 2023).
Ce sont donc ces chiffres qui varient chaque année et qui impliquent une augmentation annuelle de l’ATN.
En ce qui concerne les voitures à moteur électrique, la formule est plus simple :
« Valeur catalogue » X 4% X 6/7 X « coefficient d’âge ».
III. Illustrations
Les quelques exemples suivants[5] permettront de bien comprendre l’impact mensuel de la réforme sur le portefeuille du salarié ou du dirigeant d’entreprise concerné[6] :
- Véhicule à moteur essence neuf : VW Golf Variant
Le prix catalogue est de 33.705,00 € et son taux d’émission CO2 est de 124g/km.
En 2023, l’ATN était de 124,94€
En 2024, sans la réforme, l’ATN aurait été de 164,87 €, soit une augmentation de 32%
En 2024, grâce à la réforme, l’ATN sera de 130,09€, soit une augmentation de 4,1%.
- Véhicule à moteur diesel neuf : Audi A3
Le prix catalogue est de 31.920,00 € et sn taux d’émission CO2 est de 115g/km.
En 2023, l’ATN était de 125,64€
En 2024, sans la réforme, l’ATN aurait été de 156,13 €, soit une augmentation de 24,3%
En 2024, grâce à la réforme, l’ATN sera de 128,08€, soit une augmentation de 1,9%.
- Véhicule hybride (essence/électrique) neuf : BMW X1
Le prix catalogue est 57.370,00 € et son taux d’émission CO2 est de 22g/km
En 2023, l’ATN était de 87,69 €.
En 2024, la réforme n’aura pas d’impact, l’ATN restant inchangé en raison du fait que le taux d’émission du véhicule est inférieur au taux d’émission moyen : il reste de 87,69€.
- En revanche, l’effet de la réforme sur le même modèle neuf (BMW X1) mais exclusivement thermique (essence) est le suivant :
Le prix catalogue est de 38.500,00 € et son taux d’émission CO2 est de 143g/km
En 2023, l’ATN était de 170,67€
En 2024, sans la réforme, l’ATN aurait été de 216,27 €, soit une augmentation de 26,7 %
En 2024, grâce à la réforme, l’ATN sera de 178,02 €, soit une augmentation de 4,3 %.
IV. Conclusion
Cette modification, à la hâte, de la formule de calcul de l’ATN sur les voitures de société illustre, s’il le fallait encore, la complexité du régime fiscal lié à la mobilité.
Les entreprises qui souhaitent mettre en place des rémunérations alternatives sous la forme d’une mise à disposition d’un véhicule auront le plus grand intérêt à se renseigner, au préalable, sur le mode dévaluation de cet avantage qui change chaque année, tant au gré de l’évolution du parc automobile que des négociations politiques de dernière minute, hélas !
[1] Valeur catalogue = le prix de catalogue à l’état neuf en cas de vente à un particulier, y compris les options et la TVA effectivement payée, avant toute remise de prix.
[2] Le résultat ne peut excéder maximum 18 ou minimum 4.
[3] Car 1/7e correspond à la dépense non admise pour la société qui met le véhicule à disposition du travailleur ou dirigeant.
[4] Pourcentage déterminé par la loi en fonction de l’âge du véhicule (variant de 100% pour une voiture immatriculée dans l’année à 70% pour une voiture immatriculée il y a plus de 60 mois).
[5] Voy. not. https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/federal/atn-des-voitures-de-societe-que-signifie-l-accord-du-gouvernement-pour-vous/10522832.html
[6] Ces estimations sont réalisées dans l’hypothèse d’une imposition au taux marginal de 50% avec un taux d’additionnels communaux de 7%.